Photo de portrait signée par la photographe : Caroline Hache
La face cachée d’une directrice de collection
Pour cette nouvelle interview, j’ai choisi une femme de caractère aux multiples facettes, indépendante et chaleureuse. En effet, Jeanne Malysa est considérée par certains auteurs des collections Alcôve et Vibrato qu’elle dirige au sein des éditions Ex Aequo, comme une mère de substitution, une « auntie » bienveillante, proche, accessible et rassurante.
J’ai eu le plaisir de travailler avec elle pour mes deux derniers romans et je dois avouer que j’ai eu beaucoup de chance lorsque mon chemin a croisé le sien.
Comme vous allez pouvoir le vérifier à travers les questions/réponses qui suivent, Jeanne Malysa est une personne attachante et talentueuse.
Découvrez les secrets qu’elle a accepté de nous confier dans son bureau Vintage.
Peux-tu te présenter ? qui es-tu ? Tes activités ? Ton actualité ?
Jeanne Malysa, autrice, directrice, adoratrice des chats et du mimosa. Scorpion de novembre, fière de l’être – c’est le meilleur signe, si, si -, j’ai eu une vie avant et j’en aurais une autre au-delà car comme tout le monde, nous sommes des poussières d’étoiles ; puis comme le disait le mythique et très hermétique (et pour cause) Hermès Trismégiste dans la Table d’émeraude : « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ». Oui, j’aime bien l’alchimie, l’occultisme, la pierre philosophale et Harry Potter. Mais pas que.
Mes activités sont celles que me donnent mes auteurs, mes futurs auteurs et mes futurs non-auteurs (beaucoup de « mes », je suis possessive) : lecture, correction, travail éditorial, échanges, rigolades, coups de bâton (ou de fouet selon les goûts), cajoleries, consolation, bouclier. Bref, occupations intenses et riches. Je suis chanceuse.
Mon actualité ? Euh… joker ?
Selon toi, qu’est-ce que l’érotisme ?
Un ensemble d’éléments qui permet au corps et à l’esprit de jouer en parfaite symbiose
Pour moi – et tu as raison de donner cette précision car chacun a sa propre définition – c’est un ensemble d’éléments qui permet au corps et à l’esprit de jouer en parfaite symbiose afin d’atteindre un état de jouissance, pas forcément orgasmique, mais qui fait du bien à sa vie.
Comme je le dis souvent, l’érotisme est partout, dès lors qu’il chatouille notre sensualité, nos envies, nos fantasmes. Il suggère, propose, titille, provoque, par des images, des mots, des sons, des odeurs. Il est libérateur, il élimine des carcans, il souffle sur les braises, il allume l’incendie.
C’est un terreau qui fertilise le plaisir du corps, un jeu intime d’exploration de soi et de l’autre, des autres. Il n’oblige pas, il n’impose pas, il est disponible pour qui veut bien s’en servir. Il existe depuis la naissance de l’homme et durera autant que lui.
Quelle étape de conception préfère la directrice de collection ?
J’en ai trois.
- D’abord la découverte d’un texte. L’enthousiasme quand les lignes me happent et que je me dis : « oh, oui, ce bijou, je le veux ! »
- Puis celle qui vient tout de suite après : la rencontre. Le dialogue qui s’instaure avec le créateur ou la créatrice de ces mots qui m’ont embarquée.
- Et enfin, la fierté-joie que je vois dans les yeux de l’autrice ou l’auteur quand il a son livre dans la main.
As-tu une anecdote cocasse à nous raconter, vécue au sein de ta mission de directrice éditoriale ?
La dernière en date que je me suis fait une joie de partager sur les RS parce que vraiment, il aurait été dommage de ne la garder que pour moi. Quand une personne souhaitant avoir en SP un titre d’un des auteurs de la collection Alcôve, donc érotique, me donne l’adresse où envoyer le livre et que je découvre : M..Untel, rue de la Cossonnerie… Je n’ai pas pu faire autrement que d’éclater de rire.
Combien de manuscrits lis tu par mois ? En refuses tu ? Qu’est-ce qui motive tes choix ?
Sincèrement, je ne fais pas le compte. C’est très variable. J’essaye juste que mon dossier « textes à lire » ne déborde pas, donc je m’efforce d’en lire au moins deux par semaine.
Et oui, j’en refuse beaucoup. Un texte truffé d’incohérences, une histoire peu originale, une écriture à retravailler en profondeur, une orthographe à revoir intégralement, un vocabulaire vulgaire sont des motifs de rejet.
En revanche, un roman a toutes ses chances dès lors que le style, puis le récit me séduisent. En général, si je suis sous le charme dès les premières pages, c’est gagné. Parfois, il m’arrive de ne pas entrer tout de suite dans le vif du sujet, mais je continue parce que l’écriture est belle. Cela étant, elle ne fait pas tout. Si les personnages sont insipides, l’histoire déjà lue et relue, même bien enrobée par une jolie plume, cela ne me suffit pas pour tenter l’aventure.
Tu es également autrice ? Trouves tu encore le temps d’écrire ? Parviens tu à trouver l’inspiration malgré tous les manuscrits que tu lis ?
Le temps est une denrée rare qui ne se fabrique pas comme des bulles de savon
Oui, je l’ai été, j’espère continuer cette aventure-là mais le temps me manque, d’autant que je ne suis pas une rapide dans l’écriture et surtout dans les corrections. Je peux l’être pour un texte d’un de mes auteurs, mais pour ma propre production, c’est l’inverse. Je suis d’une lenteur exaspérante.
J’ai des romans qui attendent mes relectures, d’autres sont en chantier. J’ai des idées à foison, des envies qui me démangent ; je puise mon inspiration dans l’Histoire et mon imagination déborde, je n’ai donc aucun problème pour trouver un sujet. Je n’ai juste pas le temps. C’est une denrée rare qui ne se fabrique pas comme des bulles de savon. Hélas…
Quels sont les personnages de romans dans tes collections auxquels tu t’es le plus attachée ?
Je t’avoue ne m’être jamais posé la question. Ces personnages ne m’appartiennent pas puisque je ne les ai pas inventés. Chaque roman de chacun des auteurs me tient à cœur, mais encore plus leur créateur. Le relationnel est très important pour moi.
Ne te lasses-tu pas du genre érotique ? Est-ce pour cela que tu as accepté de t’occuper d’une seconde collection (vibrato) ?
L’essentiel est de vibrer
Non, au contraire. Je ne m’en lasse pas parce qu’il y aura toujours des trésors à dévoiler sous cet habillage. L’imagination dans ce domaine de la part des auteurs est puissante, jouissive pour peu qu’ils rassemblent les critères décrits plus haut.
Et si j’ai accepté de diriger la collection Vibrato (anciennement Accroch’cœur), c’est pour pouvoir y accueillir des textes dont l’érotisme n’est pas le propos ou si peu, et qui me font vibrer tout autant. Cette collection me permet justement de collaborer avec les auteurs que je n’aurais pas pu prendre si je n’avais que Alcôve à gérer.
Avec Alcôve et Vibrato, je suis gagnante à tous les coups. Un pur bonheur. Un travail de dingue, mais quand il y a du plaisir, hein…
As-tu une habitude inavouable ? Un rituel ridicule que tu accepterais de nous confier ?
Avant de toucher, je demande la permission.
Je précise que cela concerne avant tout le végétal, essentiellement un arbre, ou le minéral taillé (vieilles constructions, monolithes, ce genre là) et pour les humains, je me freine, et heureusement parce que je suis très tactile.
Cela ne vous est jamais arrivé que vos mains fourmillent et chauffent à l’approche d’une pierre travaillée ou d’un arbre ? Moi, si. Et je discute avec mon mimosa ressuscité du gel de février dernier. Mais est-ce bien ridicule ?
Quelle est la couleur qui te caractérise le mieux et pourquoi ?
Le vert dans toutes ses nuances (rien à voir avec la politique). Parce que la nature, l’espérance, qu’il me repose les yeux, qu’il me fait du bien au moral et qu’il respire la vie.
Le plus amusant dans tout cela, c’est que je ne porte pratiquement rien de cette couleur. Pourtant, il paraît qu’elle me va bien au teint. Allez comprendre…
Si vous avez envie d’en savoir plus sur « Auntie », rien de tel que de lire ses romans.
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Jeanne Malysa, sa bibliographie
Avec entre autres, Le cuir et la plume, Dans tous les sens ou bien encore Paris-Londres.
Pour la retrouver et la suivre sur les réseaux
et la page pour ses collections, riches en plumes aussi talentueuses que diversifiées mais toutes destinées à vous faire rêver.
Pour lire d’autres interviews :
Allez donc visiter la rubrique La face cachée. Vous y retrouverez tous les liens pour découvrir d’autres personnalités liées à l’érotisme (Gabriel Kevlec, Laetitia Michèle, Alicia, Pierre Adonis…)
1 Commentaires
On reconnaît bien là le charisme, la chaleur humaine et toutes les bonnes ondes que dégage Jeanne Malysa. Avez-vous vu son regard et son sourire en coin ?
En bref, bravo à Jeanne et à JessiKa