Une artiste majeure du surréalisme
Marie Cerminovà est née en Tchécoslovaquie en 1902. Artiste importante du XXème siècle, méconnue du grand public, vous pouvez la découvrir à travers une rétrospective de son oeuvre, successivement à Prague, Hambourg et Paris, au Musée d’Art Moderne à partir du 31 mars 2022. Nom de l’exposition, l’écart absolu, ce qui, nous allons le voir, reflète parfaitement le caractère de l’artiste.
Peinture et poésie
Secrète et mystérieuse
On ne connaît quasiment rien de l’enfance de la petite Marie, et ce qui l’a amenée à la peinture.
Elle a quitté sa famille à l’âge de 17 ans pour rejoindre le milieu révolutionnaire de Prague à 21 ans.
Une jeune révolutionnaire
Luttant contre le stalinisme politique et artistique, elle est adroite de ses mains. Elle intègre rapidement les Arts décoratifs de Prague. Fascinée par la révolution française, elle devient « Toyen », pseudonyme emprunté au mot français « citoyen ».
Passionnée de Music Hall
Dès 1920, ses peintures décrivent des scènes érotiques , inspirées par le Music Hall, le cirque et la fête foraine, pour lesquels elle se passionne.
Ses oeuvres, qui mêlent peinture et poésie, sont les témoins de scènes spontanées de la rue, empreintes d’humour et d’érotisme.
L’artificialisme
Avant-gardiste et visionnaire
En quête permanente de rester à l’écart des sentiers battus, Toyen, crée l’artificialisme à la fin des années 20, avec son ami Jindřich Štyrský, (ce dernier sera à l’origine d’une revue érotique dans les années 30).
Son art est l’anticipation de l’abstraction lyrique des années 50. Elle explore, avec une grande volonté, l’érotisme et se sert de sa peinture pour susciter des interrogations sur l’image. Ceci fait d’elle une artiste incontournable du surréalisme.
De l’artifialisme au surréalisme
D’ailleurs, en 1934, elle se rapproche de Paul Éluard et d’André Breton, les fondateurs du mouvement surréaliste.
Clandestine et résistante
En 1939, sous l’occupation nazie, Toyen tombe dans la clandestinité. Elle cache alors, dans sa garçonnière, son ami juif Heisler, durant 4 ans.
Après la seconde guerre mondiale, elle s’installe à Paris et continue à jouer les oiseaux de nuit pour s’inspirer au mieux du désir et le retranscrire sur la toile.
La pensée par l’image
Sa peinture est un poème et elle suscite chez les poètes, un dialogue, une réponse
Schmitt, directeur de l’exposition de Prague
L’érotisme, un fil rouge
Toyen nous laisse une oeuvre visionnaire qui révèle une profondeur et une subtilité rares. Elle maîtrise l’art de retranscrire une pensée par une image qu’il serait impossible voire dérisoire de tenter de traduire par des mots.
L’érotisme, omniprésent dans sa peinture, notamment à travers de scènes de bordel dans les années folles, comme une défiance à la morale, un pied de nez à la bienséance.
Très douée en dessin également, elle illustre plusieurs écrits érotiques, en particulier ceux du Marquis de Sade.
Toyen, vivre libre, vivre autrement
Cette artiste a vécu en femme moderne. Elle a mené sa vie comme elle l’entendait en refusant les compromis, sans dévier de la trajectoire qu’elle s’était fixée. Elle n’a jamais trahi ses rêves de jeunesse.
Cette persévérance à vivre selon ses propres valeurs a inspiré le nom de l’exposition actuelle la rebelle rêveuse.
D’ailleurs, Toyen qui était une vraie originale, s’est toujours défendue d’être peintre, sous-estimant son oeuvre si visionnaire.
Une vie intime de ragots
Parce qu’elle bouscule les conventions, qu’elle s’habille en pantalon, qu’elle parle d’elle au masculin et que son pseudonyme lui-même et Toyen et non Toyenne, sa vie intime a été sujette à de nombreux ragots.
Transgenre ?
Non-binaire ?
Acte de rébellion ?
Ou tout simplement refus d’être reléguée au simple rang de muse occupé par les femmes de son époque ?
S’émanciper et exister
Cette femme a oeuvré, à sa manière, comme d’autres, à l’émancipation de la femme. De Jeanne d’Arc, en passant par George Sand, Simone de Beauvoir, chacune s’est battue pour s’affirmer dans la société patriarcale de leurs époques respectives.
Toyen, me fait penser à Giorgia O’Keeffe sur laquelle j’ai écrit un précédent article…
Les êtres talentueux ont tous une part de mystère et d’originalité qu’il est inutile de vouloir percer.