C’est un mirage.
L’érotisme raconte une histoire, contrairement à la pornographie qui nous saisit ou nous subjugue.
À contrario, l’érotisme, lui, nous emmène ailleurs. C’est un mirage.
Aujourd’hui, dans la rubrique l’érotisme à l’œuvre, je vous propose de nous arrêter un moment sur l’œuvre de Jean Robert, dit Ipoustéguy. Vous connaissez ?
Clamer le plaisir et la jouissance
Né en 1920 dans la Meuse, Jean Robert, dont le pseudonyme est Ipoustéguy, est un sculpteur, peintre et illustrateur français. Passionné par la culture gréco-romaine « je suis libre et je le prouve », il aime la sensualité du corps et travaille nu lorsque cela est possible.
J’ai toujours été amoureux des corps.
Ipoustéguy
Voilà pourquoi il sculpte, dessine, peint et écrit des œuvres audacieuses et insolentes.
Une œuvre confidentielle
Dans les années soixante, il commence par des pièces confidentielles comme ce bronze de 1959 représentant une femme qui s’offre sur un socle, sa poitrine proéminente pointant vers le ciel.
Braver les interdits
Plus tard, après son séjour en Italie où il découvre les marbres de Carrare, il bravera les interdits en concevant des pièces « à toucher », plus qu’à voir.
L’amour est aveugle. Les tables du toucher ne sont pas celles de la vision
Ipoustéguy
Alors que les musées prônent essentiellement la vue en interdisant aux visiteurs de toucher, il met en avant la sensation et fait l’apologie du toucher.
Ceci n’est pas anodin dans un contexte de révolution féministe, d’émancipation sexuelle et de revendication de la liberté. Nous sommes en 1968.
L’influence de la mythologie
Ses œuvres sont une invitation à rappeler les mythes fondateurs de la création. Ipoustéguy adore cultiver l’ambiguïté par des pièces fortes et subversives comme « le calice », vase sacré, jeu de formes et d’emboîtements qui suggère l’acte sexuel.
Provoquer et s’amuser
Lecteur du Hara Kiri et du Canard enchaîné, Ipoustéguy aime la provocation et la loufoquerie.
Il s’inspire du côté malicieux et décomplexé de l’iconographie indienne avec ce jeu de construction intitulé » Gange fleuve des mythes ».
L’œuvre est composée de cylindres représentant des sexes qui roulent et s’enroulent., d’un clitoris qui trône en haut d’une volée d’escaliers et autres évocations explicites.
Sur les escaliers qui descendent au Gange, j’ai mis des sexes tordus, enroulés, noués. J’ai mis de l’humour dans mes représentations sexuelles. Je ne voulais pas qu’elle soient pornographiques.
Jean Robert
S’émanciper des tabous
L’objectif de l’artiste est de s’émanciper des tabous occidentaux présents depuis plus de 2000 ans.
Les formes érotiques se retrouvent dans chaque culture. Pensons aux papyrus égyptiens, aux céramiques grecques ou encore aux murs de Pompéi. Il ne faut pas négliger la peinture érotique au cœur des cultures orientales comme celle présentes dans la culture japonaise au sein de laquelle le plaisir est une valeur incontournable.
Qu’est-ce que l’érotisme alors ?
L’Europe a longtemps été aussi le berceau d’une production érotique. Pourtant, elle est restée cachée dans les alcôves feutrées de l’aristocratie.
L’érotisme est propre à chacun et chacun réagit selon sa propre personnalité face à lui.
Il est un concept issu de l’imagination, de la suggestion. Il y a autant d’érotismes que d’individus. que de cultures. Et l’érotisme est différent en fonction des époques et de ce qui est considéré comme licencieux ou non.
Une pulsion de vie
L’Eros, pulsion de vie, est souvent opposé à Thanatos, la pulsion de mort. L’artiste a à cœur d’exprimer une sensualité joyeuse, une énergie positive qui contraste avec l’autre facette de son œuvre qui met en scène la mort. Cette mort qu’il a frôlé après une crise cardiaque. Ipoustéguy le savait mieux que quiconque et c’est pour cela que son œuvre nous démontre que la sexualité est inséparable de la vie et de la mort.
Une célébration de la vie
À voir le nombre d’artistes qui ont passé leur vie à tenter de nous montrer ce qu’était leur idée de l’érotisme, on ne peut que se persuader que la célébration du plaisir a toujours passionné les artistes, qu’ils soient peintres, sculpteurs ou écrivains. On pense à Boucher, Fragonard, Renoir, Greuze, Picasso, Rodin, Gauguin ou encore Hamilton…
Bientôt, nous partirons au XVIIIème siècle pour assister à l’apogée du désir, des baisers fougueux, des visages féminins en extase et des draps chamboulés. Mais ce sera dans un autre article.
Une œuvre militante
Pour Ipoustéguy, comme on peut le voir à travers ses écrits, ses fusains, ses aquarelles, ses sculptures ou encore ses dessins au trait, l’érotisme est un moyen de faire passer des messages politiques, féministes et militants.
Il pense qu’on a le droit de tout dire et qu’on doit être fiers d’avoir un corps.
En avant-gardiste effréné, il adapte les matériaux classiques à des formes contemporaines.
Rendre hommage à la femme
Quitte à inverser les rôles. Comme dans cette allégorie du plaisir féminin, cette céramique prénommée « la brouette » représentant l’homme dans une posture passive pendant qu’une femme domine l’acte sexuel. Tout un symbole dans la société des années 70.
Le surréalisme au service de l’érotisme
La Terre est bleue comme une orange.
Jacques Prévert
S’inspirant des plus grands surréalistes, l’artiste, espiègle, s’amuse avec la réalité avec une poésie époustouflante.
Ne pas laisser indifférent
En somme, tout artiste n’a qu’un seul objectif : toucher son public. Le déranger, le secouer, le choquer. Tout, sauf le laisser indifférent.
L’érotisme n’est-il pas l’outil idéal pour y parvenir ?
N’hésitez pas à me donner votre avis dans un commentaire.
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