Sade, l’auteur clandestin
L’érotisme est un pouvoir sexuel sans bornes, illimité, démesuré, il faut le craindre.
Marquis de Sade
Donatien Alphonse François de Sade a vécu au XVIIIème siècle. Homme de lettres, romancier, philosophe, il a longtemps été voué à l’anathème. D’une part, à cause de son œuvre pornographique qui faisait l’apologie de la violence et de la cruauté. D’autre part, parce qu’elle donnait la part belle aux tortures, incestes, viols, pédophilie et meurtres en tous genres.
Condamné à mort pour sodomie
En conséquence, arrêté une première fois dans sa garçonnière de la rue Mouffetard à Paris en 1763 pour débauche outrée, il est enfermé au donjon de Vincennes. Condamné à mort en 1772 pour violences faites à des prostituées et sodomie, il s’enfuit en Italie. Ce n’est que plus tard, quand il décide de revenir en France, en 1777, qu’il est de nouveau arrêté et incarcéré une nouvelle fois au donjon de Vincennes par lettre de cachet . Ce qui lui évite l’exécution. Il est alors 38 ans et restera enfermé onze ans à Vincennes puis à la Bastille.
Écrire en cachette du fond de sa cellule
Mais, rien ne peut l’empêcher de s’exprimer. C’est du fond de sa cellule qu’il écrit les Cent Vingt journées de Sodome, sa première grande œuvre, un gigantesque catalogue de perversions. Le texte sera recopié en une écriture minuscule et serrée sur 33 feuillets collés bout à bout. Cette assemblage confectionne un parchemin de 12 mètres de long qui n’a pour seul objectif que d’éviter la saisie de l’ouvrage et la censure. L’œuvre de Sade restera interdite pendant plus d’un siècle et demi, jusqu’à ce qu’un certain Apollinaire, décide en 1909 de réhabiliter le Marquis en mettant en avant les réflexions morales et politiques, plutôt que les éléments scabreux.
Le divin Marquis
Tour à tour affublé des titres de Comte de Sade ou de Marquis de Sade, c’est sous ce dernier qu’il sera désormais célèbre Au point de marquer le vocabulaire de nouveaux mots (sadisme, sadique, sado-masochisme). Le divin Marquis fait référence au Divin Arétien. Ce dernier fut le premier auteur érotique des temps modernes au XVIème siècle. Sade considère que la loi ne doit pas briser les passions humaines. Le droit doit être transgressé par l’homme, maître de ses désirs et hédonistes.
Une œuvre transgressive pour le plus grand influenceur de tous les temps
Sortir de l’ombre grâce au courant surréaliste
Les surréalistes, Desnos, Breton, Éluard, ont tous entretenu un rapport particulier aux écrits du Divin Marquis. Ils révèlent son univers troublant, son œuvre transgressive. Sorti de l’ombre grâce à des artistes érotomanes, tels que Magritte ou Dali, Sade influencera l’art sous toutes ses formes.
Par exemple, quand les fantasmes de Giacometti rencontrent l’érotisme du Marquis de Sade :
- La femme couchée qui rêve (bronze) : le sculpteur joue avec les creux et les pleins. Il évoque la pénétration et le spasme de l’orgasme.
Autre exemple quand Man Ray personnifie l’œuvre de Giacometti
- l’objet désagréable, tout le pouvoir de l’érotisme rejaillit à travers ces sculptures transgressives.

La femme couchée – Giacometti

La boule suspendue – Giacometti
Réhabiliter l’œuvre sadienne à travers tous les arts
L’érotisme ou la projection que le spectateur en fait
En plus de la littérature et de la sculpture, le monde de l’art tout entier a été influencé par les transgressions sadiennes :
- Le cinéma : Pier Paolo Pasolini fait un scandale au Festival de Paris en 1975 avec son film Salo
- La danse : Le spectacle de Marie-Claude Pietragala, Sade ou le théâtre des fous, cherche les limites du corps, révélateur de l’âme, vecteur de la pensée, en l’enfermant dans le stéréotype esthétique. Comme Sade s’exprimait avec des mots pour expulser cette pulsion de vie qui l’animait, les artistes inversent la philosophie de Descartes : Je pense donc je suis en je suis donc je pense, beaucoup plus charnelle.
film Salo de Paolo Pasolini Ballet le théâtre des fous
1 Commentaires
Un article très instructif sur un auteur dont le nom a été quelque peu galvaudé