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La face cachée de Gabriel Kevlec

Tout ce que vous avez toujours rêvé de connaître sur un auteur érotique

by Jessika
2 Commentaires

Interview de Gabriel Kevlec : découvrez la face cachée de l’auteur phare de la collection Alcôve, dirigée par Jeanne Malysa aux Éditions Ex Aequo.

Jessika : Si tu devais te définir en quelques mots ?

Gabriel : On commence donc par le plus difficile : parler de soi… Je suis en décalage, éperdument romantique, dramatiquement en manque de tout, amoureux fou à lier, tendre pornographe, garçon céruléen, féru de poésie, passionné d’art. Je suis le mec qui pleure devant les Nymphéas de Monet ou sur les vers d’Éluard, adorateur de Mapplethorpe, attaché à mes volcans, fils des rivières, encyclopédie vivante du nom des fleurs de montagne, toujours les yeux au ciel (ce qui m’a d’ailleurs encore coûté une cheville lors de ma dernière escapade à Paris), éternel insatisfait, douloureusement mélancolique, ami sincère et fidèle sur lequel on peut compter, café-addict, collectionneur de mots, auteur anxieux et jamais sûr de lui qui envoie des messages désespérés à sa directrice éditoriale à des heures indues (pardon Jeanne)…

1er roman de Gabriel

Jessika : Pour toi, qu’est-ce que l’érotisme ?

Gabriel :C’est de la poésie faite corps. Je n’ai jamais su séparer ces deux genres, je n’ai jamais su choisir entre les deux, alors je les mêle, érotisme en ligne de basse et poèmes en contrepoint, et sur ce trip hop ondoyant de douce indécence et de tendre vice, je navigue à vue, croisière épidermique, fantasmes par dizaines en sémaphore, entre figure de style et de stupre, tentant de faire entendre toute la poésie que recèle un « baise-moi » jaillissant d’une gorge ouverte. Plus qu’auteur, je deviens couturier, et je tisse inlassablement des voiles d’envies sur les corps qui m’émeuvent et qui me font liquide, qui me touchent et m’émerveillent. C’est ça l’érotisme, finalement… : un émerveillement devant le corps dans sa plus simple expression, celle dans laquelle il se montre vraiment tel qu’il est : celle du plaisir.

2ème roman de Gabriel

Jessika : Quand as-tu commencé à écrire ? Depuis quand rêves-tu un roman ?

Gabriel : J’écris depuis que je suis entré dans le monde des mots comme on entre en religion. J’ai appris à lire, à écrire, et j’ai eu l’impression que l’on venait de me remettre les clés du ciel.

Tous les rêves que je faisais, les centaines de contes que j’arpentais inlassablement dans ma tête le soir pour m’endormir ou le jour pour fuir la peine, la douleur, la solitude, la peur… toutes ces histoires avaient soudain un corps de papier, un corps que je pouvais étreindre quand la nuit était un peu trop noire ou quand le reflet du miroir me terrifiait, un corps que je pouvais modeler à mon image. D’enfant paumé, un peu triste, un peu solitaire… j’ai eu l’impression de devenir… un dieu. Alors j’ai commencé à écrire, tout le temps, partout, pour me sentir moins seul. Je n’ai jamais arrêté.

J’ai écrit mon premier roman, Cordons, juste comme ça. Pour rien. Pour moi. Et puis j’ai croisé le chemin d’un auteur extraordinaire, Frédéric Bleumalt. Je lui dois tellement… Il m’a poussé à aller toquer à la porte numérique de Jeanne Malysa la merveilleuse. J’ai envoyé mon manuscrit sans rien attendre d’autre d’un avis de professionnelle et, moins d’un mois plus tard, je signai un contrat d’édition. J’ai récolté les rêves que j’avais semés, et peine encore à y croire…

nouveau roman de Gabriel

Jessika : Pourquoi avoir choisi le genre érotique ?

Gabriel : Je n’ai rien choisi à vrai dire. J’écris ce qui me transporte, et rien ne m’émeut davantage que la rencontre des peaux, le jazz des corps, les souffles courts et les verbes crus. J’écris l’amour parce que… qu’est ce qui vaut vraiment la peine d’être raconté sinon ce formidable émoi, ce bouleversement intérieur qui peut changer une vie ? C’est un besoin primitif, inscrit au plus profond de nous. Le plaisir est ancré dans nos gènes, certains de nos organes y sont même dédiés. Des guerres ont été déclarées pour ça, des révolutions ont été menées pour ça, alors j’écris le sexe, l’envie, l’orgasme, et toutes les façons d’aimer, parce que je suis convaincu que c’est là le plus grand point commun à tous.

Jessika : Je vais poser la question idiote qu’on pose toujours aux auteurs érotiques, du genre « Tu écris de l’érotique, tu as forcément vécu tes histoires. (Comme si un auteur de thriller était forcément psychopathe !) Moi je dirai simplement : est-ce que l’univers gay est le tien ou est-ce une immersion dans un monde que tu avais envie d’explorer ?

Gabriel : L’univers gay est le mien, tout simplement parce que je suis gay, et en même temps… Mes personnages sont gays (ou bi) mais je n’aime pas trop être catégorisé en « littérature gay » parce que ce que je m’efforce de décrire va au-delà du genre : cette valse des corps, le tango des hanches, le chant intime des axones pétillant sou la peau lorsqu’on nous touche, qu’on nous étreint, nous embrasse, nous caresse, nous pénètre… Peu importe ce que vous avez ou souhaiteriez avoir entre les cuisses, il s’agit toujours d’une connexion, d’une fusion extraordinaire qui transporte au-dessus de soi-même, au-dessus du monde, des instants suspendus… L’extase n’a ni pénis ni clitoris, et lorsque l’orgasme te saisit en plein vol et te fait te répandre comme une étoile qui meurt, tu n’es plus ni homme ni femme, tu es liquide : sperme, cyprine, sueur, salive, larmes, tu éclabousses l’univers. Pendant un bref instant, une fraction de seconde, tu deviens le monde entier : c’est le sentiment océanique. Une fois passée l’enfance, le sexe est l’un des rares moyens de l’atteindre. L’orientation sexuelle n’a rien à voir là-dedans. C’est seulement de l’amour.

Jessika : Tu ne montres jamais ton visage. Pourquoi ? Est-ce à cause de ton métier ? Ta famille et tes proches sont-ils au courant de ton activité littéraire ? Si oui, qu’en pensent-ils ? Te lisent-ils ? Si non, as-tu l’intention de te divulguer un jour ?

Je ne montre jamais mon visage parce que je veux croire que ça ne compte pas. Regarder le visage de quelqu’un ne vous le fera jamais connaître. À travers mes mots, je suis déjà nu devant vous ; je me dévoile bien plus en écrivant que si je postais 5 selfies par jour. Égoïstement peut-être, je tiens à garder mon activité d’auteur et ma vie quotidienne dans deux univers séparés. Prof côté ville, pornographe côté jardin… C’est un moyen de me protéger. Une façon aussi de jouir des deux pleinement.

Mes proches connaissent mon activité littéraire et me lisent pour la plupart. Ce sont eux qui m’ont apporté un de mes plus grands bonheurs d’écrivain, en venant me parler de mes personnages comme s’ils étaient réels, et en me lisant, ils leur ont donné vie. Une de mes amies et collègues est même venue me voir après avoir lu Le Choix de l’Oranger pour me parler de la lettre de Samaël, et dans son exaltation à me décrire de qu’elle avait ressenti, elle m’a dit : « mais je te jure, Samaël a des mots… tu dois le lire, c’est bouleversant ». Elle avait oublié que j’en étais l’auteur. Et ça… ça, c’est fabuleux.

Jessika : Tu as écrit 3 romans en deux ans. D’où te vient une telle inspiration ? As-tu le syndrome de la page blanche parfois ? Quand écris-tu le plus souvent ?

D’où vient l’inspiration… À dire vrai, je ne sais pas. J’ai parfois l’impression que l’histoire existe quelque part et que je ne suis qu’un vecteur permettant de l’ancrer dans le réel. La théorie de l’idéosphère développée par Werber dans un de ses romans me parle infiniment. Cette impression évanescente m’habite, celle de n’être qu’un chemin, un outil, une simple plume ornant de rimes et de phonèmes une histoire qui existe déjà quelque part.

Je suis très sensible à l’art. Une chanson, un couplet, un seul vers parfois suffit à faire éclater la vitre ténue qui me sépare d’une histoire à naître pour qu’elle m’inonde. L’idée d’écrire l’Oranger, l’importance que les couleurs et leur contraste y ont prise m’est venue d’une toile de Beksinski, un de mes peintres favoris. En Toi a germé d’une discussion avec une personne que j’aime pendant une randonnée sur le plateau de Gergovie : le temps d’en faire le tour. L’histoire entière avait poussé dans ma tête. En ce qui concerne le roman que je suis en train d’écrire, mon 4e, tout est né d’une chanson de 1962, Save the Last Dance for Me, des Drifters.

Alors… l’inspiration ne me vient pas finalement. C’est moi qui viens à elle, et lui offre une peau de carbone et une cage de cellulose, tout en gardant à l’esprit que si jolie soit la cage, ça reste une cage. C’est peut-être pour ça que je travaille tant à ciseler mes textes. Tant qu’à mettre les fers aux idées que j’arrache aux cieux, j’aspire au moins à ce que les entraves soient belles…

Le syndrome de la page blanche me vient parfois, mais c’est davantage une sensation d’être submergé par l’ampleur de la tâche qu’un manque d’inspiration. Cela survient quand j’ai l’histoire entière en tête et qu’il est temps d’ouvrir un nouveau fichier. Bleumalt l’a bien résumé au cours d’une de nos discussions : Le plus dur dans l’écriture, c’est écrire !

J’écris le plus souvent le matin très tôt, à l’heure où les oiseaux dorment encore. Quel que soit le jour, été comme hiver, je suis levé pour assister au spectacle grandiose du ciel qui prend feu ; le parfait dégradé de couleurs m’apaise et me donne toujours l’envie d’écrire. Alors… si en passant à Clermont-Ferrand, vous voyez une fenêtre ouverte, la lumière bleue d’un écran scintiller à 4 h du matin et que vous sentez le parfum d’un thé à la rose se répandre, il y a de fortes chances que ce soit moi !

Jessika : As-tu l’intention de continuer dans le genre érotique ou envisages-tu à d’autres projets dans d’autres styles ?

Gabriel : Je vais simplement continuer à écrire ce que j’aime, comme avant, sans me soucier de savoir dans quelle case Amazon ou les autres vendeurs veulent me ranger. Si une scène de sexe fait un roman érotique, si quelques alexandrins font un recueil de poésie, si un regard nouveau sur le monde fait un livre de philosophie vulgarisée, je leur souhaite bien du courage pour classer mes prochains romans !

la face cachée Gabriel Kevlec
tatoo bleu

Jessika : En plus de l’écriture érotique, nous avons un autre point commun : l’adoration pour la couleur bleue. Peux-tu me décrire ce que représente cette couleur pour toi ?

Bleu… Cette couleur, c’est la mienne bien avant que j’aie su la nommer, c’est celle des yeux de mon père, celle du ciel que je regarde inlassablement.

Cette couleur me fascine tant elle recèle de symbolisme, de sens, de puissance. J’admire éperdument les artistes qui l’ont magnifiée, de Renoir qui y a vu la naissance de l’impressionnisme, à Kandinsky qui y lisait la consonance d’une tristesse inhumaine. Je peux me perdre des heures dans La Nuit Étoilée de Van Gogh, les œuvres de Picasso ou de Klein, les vitraux de Chagall, avec cette sensation élusive qui peu à peu m’infuse, celle de m’y dissoudre sans fin, celle de faire corps avec le monde entier.

C’est aussi la couleur de la mélancolie qui me suit comme un amant terrible depuis des années, celle des ecchymoses de l’âme et de l’habit de Werther, de la petite fleur de Novalis au blues américain du début du siècle dernier… Mon spleen est bleu ardoise, couleur d’averse au fond des tripes.

Je crois que j’adore cette couleur pour ça : elle est multiple, renferme mille facettes, de l’unité chérie et perdue de l’enfance à la tristesse de l’adulte, du calme lénifiant de l’océan au turbide des vagues scélérates. Elle fait les ambiances oniriques et poétiques, les étreintes plus douces et les larmes moins acides.

Je porte cette couleur jusque dans ma chair : j’ai fait tatouer un petit cœur bleu sur ma main, mémoire céruléenne d’une histoire qui m’a marqué à vie.

Je suis un peu comme elle finalement… insaisissable.

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bureau où tout commence

Jessika : Tu es devenue la coqueluche des lecteurs(rices). Peux-tu décrire ton lectorat, plutôt masculin, féminin, transgenre, un peu de tout ?

La coqueluche… le mot me paraît un peu fort.

Je pensais mon lectorat essentiellement féminin, et j’avoue que j’en étais le premier surpris, mais peu à peu j’ai reçu des messages d’hommes m’ayant lu et éprouvant le besoin de me faire part de leur ressenti sans forcément en faire un post public. Une pudeur touchante…

Du coup, je pense que mon lectorat est plutôt varié, et cela me convient très bien : j’aime l’idée de chuchoter à l’oreille de tous les corps, de faire bander les hommes et mouiller les femmes, et puis mouiller les hommes et bander les femmes…

La question bonus : Comme je suis curieuse et que je suis sûre que je ne suis pas la seule, nous accorderais-tu une immense faveur en nous donnant le nom de la célébrité à laquelle tu ressembles le plus physiquement (histoire de faire travailler notre imagination) ?

Si je réponds l’Homme invisible, j’ai un gage ?

Alors disons… une chimère fabuleuse – ou monstrueuse, question de point de vue – entre Édouard aux mains d’argent, la Petite Sirène, Fran Fine la nounou d’enfer, Sheldon Cooper de Big Bang Theory, la Belle et sa Bête, le Rossignol d’Oscar Wilde, l’Éléa de Barjavel, Quasimodo, le Coq et l’Âne d’Émilie Jolie, Rimbaud jeune, Léo Ferré vieux, Maggie Smith qui n’a pas d’âge, Princesse Sarah, Dali à la ville, Billy Vega à la chambre, Laura Pergolizzi à la scène, et Cendrillon au cœur. Comment ça, je n’ai pas saisi la question ? Êtes-vous certain que ce n’est pas vous qui n’avez pas compris ma réponse ?

Bibliographie

– CORDONS (2020), Prix du Roman Gay, Mention Spéciale du Jury

– Le Choix de l’Oranger (2021)

– En Toi (à paraître, 2021 ?)

– Proses et poésies parus dans la revue littéraire du Marais : l’Autre Rive

Achetez ses livres :

Cordons – Gabriel Kevlec – Éditions Ex ÆquoÉditions Ex Æquo (editions-exaequo.com)

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Le salon du livre

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2 Commentaires

Christine Lachaume 4 décembre 2021 - 13h12

un petit voile qui se lève de cet auteur unique!💙

Répondre
Jessika 4 décembre 2021 - 13h31

oui… un très léger voile mais il est vrai que le mystère contribue à entretenir la passion, n’est-ce pas ?

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